Will Boone est connu pour ses tableaux, ses sculptures et ses installations audacieuses qui puisent leur inspiration hors de tout contexte de l’histoire de l’art. Il s’intéresse tout particulièrement aux sous-cultures et au pasage social américain au sens large, qui inclut la musique punk, la culture de bar, l’industrie automobile, les films d’horreur, l’élevage du bétail, et la théorie du complot. Boone en extrait des formes emblématiques auxquelles il confère une puissance graphique et une réalité physique impressionnante. Pour créer ses grands tableaux « Mask » qui font l’objet de cette exposition, Will Boone transforme des images d’objets ou de personnages iconiques en masques en introduisant des formes évidées qui ressemblent à des yeux. Cette palette d’images est aussi variée que surréaliste, avec notamment une bouteille de lait, un pneu Goodyear, une carte à jouer, Frankenstein et un Doberman Pinscher. D’un côté, c’est une sorte d’exercice anthropomorphique poussé car Boone canalise le désir humain et instinctif de retrouver un visage en tout, ainsi que l’aspect psychédélique et animiste de voir une âme dans une forme inanimée. De l’autre côté, c’est l’expression monumentale du dessin, des techniques d’impression et de peinture dont l’artiste se sert depuis sa jeunesse, pendant laquelle il dessinait des affiches et des t-shirts pour des groupes de musique punk. Les tableaux « Mask » sont d’abord des photocopies de livres, des magazines, ou même des objets, que Boone manipule avec un photocopieur de façon à en modifier les proportions. Des sérigraphies sont créées à partir des photocopies agrandies et servent pour appliquer la peinture sur des toiles aux formes insolites. Boone a déjà travaillé sur une série similaire avec une palette plus restreinte, mais ici il a utilisé un système de tamis afin de produire des pièces plus colorées et plus travaillées au niveau pictural. Vus comme un ensemble, les masques semblent être à la fois désuets et comiques, et suggèrent l’ironie critique qui anime les oeuvres de ses mentors artistiques de Los Angeles. Les nouvelles sculptures quant à elles s’appuient sur le logo cruciforme mondialement connu du constructeur automobile Chevrolet. Boone nous donne une vision tridimensionnelle d’un symbole minimaliste de forme abstraite et géométrique, le transformant en monolithe, étrange et surnaturel, dont l’origine nous est inconnue. Elles évoquent également cette tendance à considérer les marques commerciales – particulièrement quand il s’agit de voitures – avec une sorte de dévotion idéologique, quasi-religieuse. L’artiste a peint chaque sculpture d’une couleur différente, avec des pigments traditionnellement utilisés pour les voitures ou les guitares électriques. Avec un aspect sombre qui atténue leur apparente familiarité, ces oeuvres sont l’illustration éclatante du penchant de Boone pour l’exploration des recoins obscurs de la psyché américaine contemporaine pour en faire émerger une oeuvre originale significative.